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Paysage unifié
Portraits gémellaires
Huile sur toile
À
la fois inséparables dans le paysage et séparés comme portraits

L’æntre rouge


Retour au point de vue quasi quotidiennement. Le même. Retour par le même au point fixe qui ouvre sur le paysage marin – un cadre d’un côté les dunes, de l’autre l’océan entre, la plage et les pieux brise-lames. Invariable depuis le point de vue sinon le phénomène des marées qui laisse apparaître et disparaître une partie de la surface de sable. L’estran.

 

Lieu à la fois enveloppé puis développé. L’estran.

 

Marche quasi-quotidienne sur l’estran - se développe dans la marche – l’estran chaque fois différé parce que différent, modelé et remodelé par la puissance des courants, des vents, modulé par le flux et le reflux des marées.

 

Retour au point de vue fixe, lieu immuable, lieu donné - lieu à prendre comme tel - par le regardeur – celui qui revient au lieu même - pour voir encore - puis parcourir l’estran qui s’actualise deux fois par jour, dont la surface se fait, se défait et se refait, l’estran en tant que fait, c'est-à-dire lieu de l’avoir lieu.

 

Vaste étendue vaste qui se remodèle chaque jour dans l’inépuisable retour des marées.

 

Dans cette série sans fin d’une vaste étendue, vaste dans son infinie variabilité et ses modulations, trouver l’étendue vers la peinture.

 

Retour à l’atelier, debout devant la toile - étendue écrue - tendue sur son châssis par un simple badigeonnage de colle de peau, un cadre. La toile non apprêtée, brute, conserve ainsi son grain.

 

Commencer en haut à gauche, croiser la touche, toujours la même, répétée, entrelacée jusqu’à atteindre le bord droit du châssis et faire ligne. Touches ou taches pour faire points, points d’une ligne qui se trace. Ligne horizontale. La touche / tache / point d’une maigre épaisseur accroche au grain léger de la toile et vient prendre la lumière.

 

Reprendre la ligne juste en dessous, l’entrelacer avec celle du dessus puis ouvrir l’étendue au recouvrement, lignes après lignes, couvrir jusqu’au bas la toile.

Dans la répétition d’un geste simple effectué avec un pinceau n°10, l’œil ne conduit plus la main. La main s’en dissocie pour n’avoir plus qu’à poursuivre son cheminement. Toujours à différer son point dans le temps de la ligne. Étendre ce qui dans le temps de la répétition se compose comme différence. Touches ou taches toujours à venir dans l’espace à recouvrir.

 

La main articule le tact du pinceau. Le pinceau devient digit au sens du doigt qui compose point par point la ligne. Point qui par sa touche atteint la toile d’une douce préhension. Le doigt comme manière de faire le point. Le point digital.


 

Thierry Rat

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